Que s’est-il passé en vallée de l’Arac suite au projet et au film ? Des projets collectifs ont-ils émergé ? Jenefer a-t-elle retrouvé des terres ? Qu’est devenu le manifeste ? Voici quelques questions qui reviennent régulièrement dans les projections-débats du film "Demain, la vallée".

Extrait du manifeste. Design: Hélène Copin
Des projets collectifs ont-il émergé ?
Un projet de recherche-action participative comme Just Scapes vise à susciter et accompagner une dynamique collective sur un temps donné, mais n’a pas vocation à se substituer aux acteurs et gestionnaires des territoires. C’est à ces derniers de s’emparer des résultats du projet et de prolonger la dynamique collective amorcée. Si ce transfert est un pari et ne fonctionne pas toujours, cela semble bien parti en vallée de l’Arac.
Interrogés sur les suites du projet, les participantes et participants aux ateliers semblent s’accorder sur un point : les ateliers leur ont permis de mieux se connaître les uns les autres, de rencontrer des personnes qu’ils n’avaient pas l’occasion de côtoyer. Ces rencontres parfois improbables ont ouvert le champ des possibles et suscité un certain nombre d’actions concrètes, notamment pour favoriser le circuit court dans la vallée :
La création d’un annuaire répertoriant l’ensemble des producteurs, éleveurs, transformateurs et points de vente de la vallée de l'Arac, disponible ici.
La relance d’un marché des producteurs locaux à Biert (marché d’été, le mercredi matin) accueillant une diversité de producteurs et éleveurs locaux.
L’ouverture de l’épicerie participative du Paradis païen à Aleu qui propose les produits de plus de 80 producteurs, éleveurs et transformateurs locaux.
Enfin, la création d’une association locale pour « rassembler les producteurs, éleveurs, transformateurs, distributeurs et consommateurs, tous acteurs du circuit court de la vallée de l’Arac ». Son AG constitutive a eu lieu le 30 septembre, et un marché exceptionnel sera organisé le 1er novembre à la halle de Massat, avec une projection du film « Demain, la vallée », buvette et restauration. Pour plus d’information, contacter Yves Daniel (yda030460@aol.com)
Jenefer a-t-elle retrouvé des terres ?
Sur le volet foncier, sujet sensible, les choses avancent plus lentement. A chaque projection ou presque, quelqu’un demande si Jenefer a retrouvé des terres pour son activité de maraichage. A l’heure où j’écris ces lignes, des pistes sont explorées, mais Jenefer et Fred n’ont toujours pas de terres. Leurs difficultés soulignent d’ailleurs un enjeu qui a pris de l’ampleur depuis le Covid, lié à la part croissante des terres cultivables utilisées par des propriétaires, habitants ou résidents secondaires, à des fins personnelles et récréatives. Si elle est ancienne, cette dynamique prend de plus en plus de place et vient redessiner les tensions autour du foncier.
Qu’est-devenu le manifeste ?
Parmi les 43 propositions résultant du processus de concertation mené en vallée de l’Arac, certaines relèvent d’actions individuelles ou collectives qui peuvent être mises en œuvre à l’échelle d’un territoire. Plusieurs ont déjà vu le jour, comme nous venons de le voir, notamment en lien avec les circuits courts et l’implication des communes de la vallée. D’autres s’adressent aux collectivités territoriales et aux décideurs politiques.
Entre décembre 2023 et mars 2024, nous (l’équipe de recherche) sommes allés à la rencontre d’un certain nombre d’acteurs levier identifiés dans les ateliers : Communautés de communes, Conseil départemental, Députés, Sénateur, DREAL, Safer régionale, Chambre d’agriculture départementale, Confédération paysanne, Association des Maires Ruraux de France. L’objectif était de relayer les voix et les propositions de personnes vivant et travaillant dans une vallée des Pyrénées, une forme d’invitation à l’action en tenant compte de la diversité des enjeux et des spécificités des territoires de montagne.
L’accueil de ce manifeste a été très contrasté, salué par les uns, critiqué par les autres. Dans un contexte très clivé, opposant souvent anciens habitants et nouveaux arrivants, partisans de l’élevage pastoral traditionnel et défenseurs de nouveaux modèles de petites fermes diversifiées, notre objectif dans les ateliers était de créer du lien, de susciter un dialogue pour que le travail de coconstruction reflète et respecte la diversité des idées en présence. En portant une attention aux inégalités et asymétries de pouvoir à différents niveaux, ce manifeste fait donc entendre à la fois des voix dominantes et des voix minoritaires, peu soutenues par les institutions - ce qui peut expliquer son accueil contrasté. Si ces clivages sont un des principaux verrous de la transition agroécologique, les débats suscités par le projet peuvent être vu comme le signe d’une démocratie vivante, où chacun peut s’exprimer.
Pour en savoir plus, voir cet article de la revue Campagnes solidaires :
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